Harmonies du Silence, SimplicitéAssis devant le Silence Qui Chante, mon petit chalet dont je me considère le gérant, je réfléchis aux nombreuses années qui ont débordé de bénédictions. A la première neige d’automne, j’étais le dernier à rester dans ce petit hameau, perché à 2000 mètres dans les Alpes suisses. Mon voisin, M. Crettaz, venait de redescendre en plaine ce matin avec ses vaches, leurs cloches carillonnant joyeusement. Dans le dialecte riche et mélodieux de cette région, je «boucle» le mayen pour l’hiver et, étant le dernier à partir, j’envoie une dernière bénédiction à cet endroit de splendeur absolue et de simplicité infinie.

Simplicité. C’est une leçon que la grandeur paisible et l’humble majesté de cet endroit m’ont apprise. Souvent, pendant trois mois, j’ai vécu sans  électricité, voiture, télévision, radio, téléphone, eau chaude, supermarché ou autres choses considérées de nos jours comme essentielles dans la vie urbaine. Mais quelle ampoule électrique pourrait donc bien se comparer avec la lueur chaude d’une bougie qui se reflète dans un plat de cuivre ? Quelle voiture pourrait rivaliser avec mes jambes sur les étroites crêtes alpines ou sur ce raccourci qui me mène chez moi à travers les mélèzes ? Quel programme de télévision pourrait se vanter d’offrir la variété, la beauté, la profondeur et la vision de ce monde qui m’entoure ? Ce n’est pas un programme à une ou deux dimensions, c’est une vie où chaque heure a quatre dimensions. Sauter nu dans un torrent glacial quand on transpire après une marche rapide, c’est une sauna naturelle. Et une tranche de «tomme» avec le pain noir local surpasse en splendeur pour moi les 16 variétés de fromage bleu qu’on trouve dans un supermarché.

Ici, il n’y a pas de distractions – rien qui vous sépare (dans le sens étymologique) de ce qui est essentiel bien que cela ne se produise pas par un tour de magie. On peut vivre une vie mentalement compliquée même ici et, si on a l’argent, louer une jeep qui amènera tout le bric-à-brac de la vie urbaine afin d’encombrer sa vision intérieure. Heureusement, je n’ai ni les moyens ni aucune envie de faire cela.

Au long des années, j’ai appris que vivre simplement c’est tout d’abord mettre de l’ordre dans mes priorités, être honnête avec moi-même, voir l’abondance dans les qualités et non pas dans les objets et, quand les objets matériels sont nécessaires, chercher à les voir dans leur dimension spirituelle. On pourrait dire que la simplicité est un rythme intérieur de l’âme, un endroit de repos en soi et non pas une bousculade trépidante afin d’avoir et de faire.

Par exemple, j’avais toujours cru que je ne pourrais pas vivre heureux sans musique classique. Un été, je suis monté au chalet avec un magnétophone et quelques-unes de mes cassettes préférées. J’étais seul la plupart du temps et je ne les ai pas écoutées une seule fois. Le silence, ici, c’est l’univers qui fait écho à la musique des sphères, à la musique de la vie et de l’amour. Mais encore devons-nous écouter et apprendre et ensuite nous l’entendrons, imperceptiblement d’abord, ensuite plus fort et finalement partout quand l’oreille intérieure est à l’écoute.

La simplicité, c’est définir très clairement ce que nous attendons vraiment de la vie et ce qui nous tient à cœur. Si l’image mentale est claire, les pas pour y arriver deviennent de plus en plus faciles. La simplicité c’est donc être en accord avec cette résonance intérieure profonde qui nous anime. La source principale d’une vie compliquée est l’incapacité des gens à être fidèles à eux-mêmes, à cette «résonance intérieure profonde». Pris dans des  modèles qui leur sont imposés – par la société, la pression des pairs, la toute-puissance de la pub – ils désirent ce repos exceptionnel qu’ils ne peuvent trouver qu’en eux-mêmes.

Dans la lettre de St Paul aux Romains (12 :2), on lit : «Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde». Le fait que nous nous conformons trop souvent à des modes de vie que nous n’avons pas choisis nous-mêmes est à l’origine de ce manque de simplicité.

Deux des pires obstacles à la simplicité sont la consommation de choses dont nous n’avons vraiment pas besoin et la mesure du temps en heures et minutes. Plus j’apprends à gérer ma consommation et à voir le temps non comme un despote mais comme le déroulement du bien, plus ma vie déborde de bénédictions.

Je réalise que je suis mon propre maître. Les mères et pères de famille ont des priorités différentes et, pour eux, la simplicité prendra d’autres formes. Mais pour moi, quand je suis assis devant mon petit chalet, la seule chose dont je suis conscient c’est la splendeur incroyable de ce paysage alpin, la neige fraîche qui couvre le glacier de Ferpecle, le ciel bleu sans nuage, les mélèzes brillant au soleil. Tout cela révèle de la majesté paisible, de l’être immuable et pourtant toujours nouveau. La pensée passe sans effort des sommets de 15,000 pieds à l’infini. Ce paysage guide la réflexion de façon puissante et éloquente vers une nouvelle dimension où la vie n’est pas encombrée d’activités frivoles et inutiles.

Cette dimension est tout à fait et merveilleusement simple car elle est si proche de la vérité. Nous avons tous notre Silence qui Chante en nous. De ce sanctuaire silencieux et calme d’épanouissements secrets viendra cette résonance intérieure profonde qui vous conduira à vous débarrasser de tout ce qui n’est pas essentiel pour atteindre cette simplicité que la plupart de nous désirons profondément.

Et, sortant de cette chrysalide de votre progrès intérieur, vous découvrirez la clé de la simplicité authentique : votre propre Etre.

Adapté et traduit d’un article de Pierre dans le Christian Science Monitor du 27 avril 1982

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