Ce blog est tiré d’un des chapitres de mon livre le plus récent, Et ainsi coule la rivière. La notion que nous vivons dans un univers accueillant et bienveillant me tient beaucoup à cœur, et vous trouverez à la fin du texte les liens sur deux blogs pertinents rédigés ces dernières années.
Après mon retour d’Afrique au début des années ’80, je fus embauché comme consultant par les Affaires Etrangères suisses pour entreprendre une étude passionnante de sept nations occidentales (Belgique, Hollande, Canada, Grande Bretagne, Norvège, Suède et Allemagne de l’Ouest) au cours de laquelle j’ai interviewé plus de deux cents personnes dans plus de 100 organisations en vue d’étudier comment elles sensibilisaient le public de leurs pays au grand défi que représente le développement international.
Je terminais presque tous mes entretiens avec la question suivante : « C’est facile de voir ce qui ne marche pas dans le monde aujourd’hui – n’importe qui peut faire une longue liste de problèmes. Alors je voudrais vous demander de mentionner ce que vous considérez comme les trois tendances positives dans le monde – dans n’importe quel domaine. »
Imaginez-vous que la presque totalité de mes interlocuteurs – des gens exceptionnellement bien informés de ces questions par leur travail – répondirent qu’ils n’avaient jamais pensé à la question. Certains ont même répondu « Rien » ou « Je ne peux penser à quelque chose de positif ». Une fois de plus, tout est dans le regard. Nous créons toutes et tous notre réalité par le regard que nous choisissons de porter sur le monde.
Et pour ceux qui ont les yeux pour voir, il y a tellement de bien qui se passe sur la planète, que ce soit au niveau de la modernisation des pays du Sud, une prise de conscience de plus en plus forte que nous vivons dans un monde totalement interdépendant, la prise de conscience de l’urgence pressante à protéger notre environnement, la nouvelle vision du monde qui émerge de la Nouvelle Physique, des technologies comme le téléphone portable ou internet qui ont littéralement transformé le monde en quelques années, la révolution dans le domaine des soins de santé grâce aux nombreuses médecines alternatives…. Chacun peut compléter cette liste à son gré.
Pourquoi ne sommes-nous pas plus conscients de ces tendances positives. « Parce que le bien est ennuyeux pour les médias » me répondait un jeune collégien. Alors qu’est ce qui se passe dans une société où le mal se vend comme des petits pains chauds et le bien est rangé aux oubliettes ?
On a demandé une fois à Albert Einstein quelle était la question la plus importante que l’on pouvait poser concernant le monde et l’avenir de la race humaine. Il répondit simplement : « Is the universe friendly ? » (L’univers est-il un endroit bienveillant, accueillant, amical, positif ? Toutes ces nuances son inclues dans le mot anglais « friendly » tel qu’utilisé ici).
Personnellement, après une vie professionnelle de plus de 55 ans aux quatre coins du monde, vivant dans des cultures incroyablement différenciées, en contact avec toutes les classes sociales, les plus riches et ceux vivant dans le dénuement total, je suis arrivé à la conviction et surtout le ressenti que l’univers est un endroit infiniment bienveillant. Il faut dire que cette conviction a été grandement fortifiée par une expérience hors corps où je fus projeté dans un espace infini où il n’y avait plus que le ressenti d’un Amour sans limites. Pendant un temps indéterminé (puisque je n’étais plus dans le temps et l’espace humains, avec le mental et l’ego qui s’étaient totalement évanouis) ce ressenti fut le mien. En d’autres termes la Conscience infinie (mettez le terme que vous voulez) était la mienne, constituait mon identité même.
Cette conviction que l’univers est infiniment bienveillant est renforcée par la conviction profonde qu’une loi d’harmonie fondamentale gouverne absolument tout ce qui se passe, de la plus petite particule subatomique au roulement des galaxies dans cet univers dont la dimension dépasse l’imagination la plus débridée (car il y en aurait d’autres !). Et que rien ne peut échapper à cette loi, quelles que soient les apparences contraires au niveau matériel.
Cet « optimisme ontologique » n’est pas le cadeau d’une marraine extraterrestre en même temps fée et ange. Pendant cinq ans, à Dakar, j’ai vécu entre deux bidonvilles dont les enfants fouillaient dans ma poubelle pour des restes de nourriture ou tout autre bien récupérable. De telles scènes répétées quotidiennement pendant des années constituent une assurance absolue contre le danger de voir la vie en rose. Pendant des années, mon travail m’a forcé à faire face à certains des plus grands défis de la planète : la faim, la désertification, la pauvreté absolue et la prostitution enfantine, j’ai visité des villages dont les habitants en période de famine mangeaient l’écorce des arbres et vendaient leurs derniers bijoux.
On ne peut jamais vraiment justifier notre « Weltanschaung » comme disent nos amis allemands, notre vision des choses, de la réalité, du monde. La mienne s’est développée, petit à petit, après des années d’écoute, de recherche intense, de souffrances peu banales mais aussi de joies intenses. Et je suis arrivé à cette conviction profonde que cette planète (car je n’oserais pas parler de « l’univers ») est un étonnant laboratoire pédagogique collectif autant qu’individuel et que nous sommes là pour une seule raison : apprendre.
Car quand je regarde ma vie, je vois combien certains événements – qui sur le moment semblaient tellement inutiles et douloureux – incluaient des leçons que j’ai mis parfois des années à comprendre. Et aujourd’hui, je vois la vie comme un tapis persan : vue de dessous, c’est un méli-mélo de bouts de tissus, de fils, de couleurs qui heurtent, mais vue de dessus, c’est l’harmonie parfaite des formes et des couleurs le tout géré par un plan, une vision claires – et le résultat est sublime.
L’écrivain suisse Denis de Rougement a une fois écrit que « la décadence d’une société commence quand les gens demandent : ‘qu’est-ce qui va m’arriver’ plutôt que ‘que puis-je faire’ ».
Pour celles et ceux parmi les lecteurs de ce blog qui se poseraient la question que soulève de Rougemont, je voudrais suggérer : Essayez un peu plus d’amour – aujourd’hui. Car cette pratique, quand d’occasionnelle elle devient régulière, a la tendance d’ouvrir des horizons toujours plus larges et un jour vous réaliserez avec émerveillement que vous pouvez voir votre tapis persan – depuis le dessus.
Pierre Pradervand
Mai 2024
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