Pierre Pradervand - Ma première expérience mystique

Nous trouvons de plus en plus dans la littérature et sur Internet des récits d’expériences « mystiques ». Je mets ce mot entre guillemets car il n’y a aucune définition de ce terme qui soit acceptée universellement. Pour moi, cela signifie un état de clarté exceptionnel où la compréhension n’est plus tellement au niveau du mental – parfois même plus du tout – mais au niveau du cœur. Le dictionnaire Merriam-Webster offre cette définition : « une signification ou une réalité spirituelle qui ne sont ni n’apparentes aux sens physiques ni évidentes à l’intelligence ».

Ma première expérience suivit une année de travail social difficile, et souvent exigeante, que j’entrepris à l’âge de 20 ans dans la ville portuaire de Marseille avant de commencer mes études universitaires.

Sur le chemin du retour, je décidai de faire une courte retraite dans la Communauté de Taizé, près de Clugny en France, qui était alors la première communauté de moines protestants. Elle s’est développée depuis en un mouvement mondial mais a néanmoins toujours sa base à Taizé. J’étais allé me coucher tôt ce soir-là, quelque chose de rare pour moi, et je fus réveillé à minuit par une petite voix me disant, « Pierre, va à l’église et prie ».

Aussitôt j’entendis la voix de mon très raisonnable père. « Pierre, ne sois pas ridicule. On ne se lève pas à minuit pour prier. Rendors-toi ».

Heureusement la petite voix était plus insistante. Elle avait même un sens de l’humour, me chuchotant « Si Jésus avait été raisonnable, il aurait vendu des cacahuètes sur les marches du temple ».

Je me rendis donc à la petite église. Elle n’avait rien de mystique, c’était même un peu sinistre. Je m’assis avec mon Nouveau Testament et commençai à lire, prenant des notes au fur et à mesure.

Soudain, sans même m’en rendre compte, je perdis toute notion du temps. Il avait disparu. Et pendant le reste de cette nuit, j’eus une vision, qui est toujours demeurée en moi, que l’univers était géré par la loi de l’amour, la loi ultime gouvernant tout et devant laquelle, tôt ou tard, tout s’inclinera en soumission totale.  Ce fut une immersion incroyable dans un champ infini d’amour.

Je vis même qu’un jour je serais mis en prison à cause de mes convictions pacifistes – et en fait ce fut le cas 30 ans plus tard quand je refusai de servir dans les abris antiatomiques et anti-aériens du système civil de défense paramilitaire.   Soudain, j’entendis le chant d’un coq. C’était 5 h du matin. J’avais passé cinq heures étant parfaitement alerte, sans aucun sentiment de somnolence ou de fatigue. Pour moi, de telles expériences sont des cadeaux de la Grâce. On ne peut pas les rechercher. Elles nous prennent complètement par surprise et souvent disparaissent aussi subitement qu’elles sont venues et nous laissent avec un sens d’émerveillement et de révérence profonds.

Pierre Pradervand

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