Blog de l’invité, Fabrice Pinel
La pratique de la bénédiction est souvent considérée comme un outil spirituel puissant, source de mieux-être et de miracles. Elle est moins souvent perçue comme une voie spirituelle à part entière, offrant un parcours complet et structuré de réalisation du Soi.
Pierre Pradervand a pourtant consacré un chapitre entier à ce sujet dans son ouvrage « The Gentle Art of Blessing ». Je vous propose dans cet article d’évoquer l’essentiel de son argumentation en quatre points qui sont autant de jalons précieux sur le chemin de l’éveil à cet Être qui nous dépasse.
Ce texte est extrait d’une vidéo plus longue intitulée « L’art de bénir : une voie spirituelle de réalisation de Soi ? » qui est accessible à ce lien :
https://youtu.be/Ms1syFQbxiw
La bénédiction érode l’ego et permet d’en déposer le fardeau
Le but affiché de la bénédiction n’est certes pas de renforcer votre ego puisque sa principale incitation est que vous puissiez vous confier à la Vie ou à Dieu (quel que soit le nom que vous donniez à ce qui vous dépasse), Lui faire confiance, vous en remettre à ses plans, fût-ce aux dépends du petit moi, de ses peurs, de ses désirs, de ses attentes.
La bénédiction part le plus souvent d’une situation qui n’est justement pas confortable pour notre petit moi, que celle-ci soit d’ordre matériel (maladie, échec d’un projet, difficultés financières…), psycho-spirituel (manque d’estime de soi, conflits relationnels, perte de repères…) ou même sociétal (guerres dans le monde, exploitation, effondrement écologique…)
Ce que propose précisément la bénédiction c’est d’ouvrir chacune de ces situations à une dimension plus large qui en permettra l’absorption et la résolution.
Bénir, c’est de fait retirer à l’ego le pouvoir d’influer par lui-même sur la situation, c’est déjouer la toute-puissance et la suprématie qu’il croit avoir sur le monde et sur les autres.
À force de s’en remettre à plus grand que soi -et la bénédiction est une invitation permanente à cela, quelles que soient nos réussites ou nos difficultés- le moi perd l’habitude de se croire seul aux commandes. Il laisse de plus en plus le divin prendre la place dans sa vie.
Il sait que la partialité de ses jugements n’explique pas tout le mystère du monde et que ses émotions imposent à celui-ci un filtre, réducteur, déformant, source d’erreurs et d’incompréhensions.
Pressentant une sagesse et une sérénité plus grandes, il accepte de déposer enfin ce fardeau qui lui porte préjudice et qui l’encombre…
2. La bénédiction ramène inlassablement au divin
Bénir, c’est justement invoquer sans répit le divin pour qu’il distille un à un, et de plus en plus subtilement, ses attributs et qualités.
Quand on invoque la générosité chez l’autre ou chez soi, c’est précisément pour que la cupidité ou la mesquinerie qui sont actuellement notre lot lui cèdent la place.
Bénir, c’est à chaque fois appeler les vertus les plus hautes qui sont l’apanage du divin : la compréhension, l’amour, la solidarité, l’inclusion.
Bénir nous ramène ainsi à l’espace du Tout où il est clairement vu que toute chose existe en relation avec les autres, dans une totale interdépendance.
Qu’un ego puisse croire œuvrer pour son seul compte est proprement illusoire. On ne peut véritablement œuvrer que pour ce tout puisqu’ultimement c’est ce que nous sommes.
Inlassablement, la bénédiction nous ramène donc au plus beau, au plus noble, au plus élevé, exactement comme le font les mantras, les invocations soufies ou autres prières du cœur.
Elle polit notre être, le purifie, l’ancre petit à petit dans cette habitude de prendre en toutes circonstances une attitude plus ouverte, plus attentive, plus responsable, plus reliée.
3. La bénédiction ouvre la porte à la Présence
La pratique de la bénédiction nous ramène simplement à la Présence, à cet Éternel toujours là pour nous, qui est le plus souvent recouvert de toutes nos histoires, de tous les voiles, rêves et fantasmes créés par le moi.
Exactement comme le propose la méditation de Pleine Conscience, la bénédiction nous invite alors à revenir à la Plénitude par la contemplation et l’inscription dans l’instant présent.
Pierre a largement souligné qu’on pouvait pratiquer la bénédiction en toutes circonstances, en famille, au travail, dans les transports publics, au volant de sa voiture, et pour tous types de personnes, de structures ou de situations que l’on rencontrait.
De fait, bénir par exemple chaque personne présente avec nous dans une même file d’attente, c’est précisément se concentrer sur ce qui est là, sur chaque être qu’il nous est donné de côtoyer, ici-maintenant.
Il n’est aucun chemin plus sûr pour sentir la Présence que de rejoindre ce qu’elle nous propose présentement.
Ainsi la bénédiction n’invite jamais à se réconforter ou à se projeter dans un Paradis lointain qui serait à conquérir et qui nous sauverait, mais au contraire d’aller vers ce Paradis déjà incarné, qui n’attend que notre attention, notre présence et notre conscience pour s’offrir à nous.
La bénédiction ne vise de fait pas d’autre porte que celle qui est là devant nos yeux, d’instant en instant, éternellement reconduite. C’est là l’endroit, le seul possible, où s’épanouit précisément tout éveillé.
4. La bénédiction détache des attentes de l’action
Ce mouvement vers l’ici-maintenant dissuade des grands projets et des plans que nous tirons sur la comète à l’infini, fussent-ils élevés ou spirituels.
La pratique de la bénédiction est un véritable karma yoga (yoga des actes) comme le souligne Pierre lui-même, qui s’il ne nous détourne pas d’agir, pour soi, pour le monde, pour les autres, nous dissuade en revanche d’en espérer des fruits spécifiques ou d’agir pour l’obtention de ces seuls fruits.
La bénédiction est une pratique délibérément gratuite, offerte au monde qui ne se focalise pas sur l’efficacité ou la rentabilisation de sa pratique. Cela, elle l’abandonne volontiers au divin, puisqu’elle sait pertinemment qu’en dernier lieu c’est la Conscience qui agit à travers nous et non pas nous qui utilisons cette Conscience pour parvenir à nos propres fins.
La bénédiction est donc une opération de retournement sur cet Être qui réellement nous constitue. Ce retour au-dedans de soi et de l’Esprit nous replace au seul endroit où le Bien peut réellement s’accomplir. Au seul endroit où peut jaillir une paix complète. Au seul endroit où peut s’exprimer notre véritable pouvoir et notre lumière se révéler.