C’est une vraie joie pour moi de pouvoir témoigner d’un aventure qui aurait pu très mal se terminer – n’était-ce le pouvoir de la bénédiction.

Je suis médecin anesthésiste, et en 2007 je reçois un appel d’un collègue chirurgien de Toulouse pour une association, « les enfants de l’Aïr » qui cherche d’urgence un(e) anesthésiste pour une mission au Niger. Je bondis sur l’occasion et me prépare, tout en ayant le sentiment étrange que je pourrais y … « rester » (je ne sais de quelle manière.) Ceci me pousse de façon incompréhensible à envoyer à quelques amis le texte « Le simple art de bénir » (voir la vidéo de Jane Young sur ce site). Ils l’accueillent chaleureusement.

Arrivés à Niamey, nous partons immédiatement pour Tanout, dans le Nord, région où règne le couvre-feu à cause de la présence de rebelles Touaregs. Nous gagnons le campement où nous résiderons, assez près de l’hôpital. Dès notre arrivée à l’hôpital le lendemain on nous met au travail. Le surlendemain les opérations démarrent à un rythme intense, vu que l’hôpital est sans anesthésiste depuis de longs mois et la liste d’attente des patients fort longue.

Nous venons de terminer  la dernière opération quand nous réalisons que les lignes téléphoniques ont été coupées. De la fumée noire monte du campement proche, les bombardements commencent – pas exactement rassurant. Nous décidons de rentrer quand même au campement. Nous quittons la ville en 4×4 quand soudain nous sommes arrêtés par des rebelles qui ont barré la route et pointent leur Kalachnikovs sur nous. Je me vois seule femme au milieu de ces rebelles. En détention aux fins fonds de la brousse, une proie française pouvant leur servir de monnaie d’échange – plutôt préoccupant!

Peu de temps après, nous arrivons dans un campement de base où grouillent des rebelles Touaregs masqués. A un moment, un des rebelles dans la jeep cherche à récupérer une cartouche tombée à terre, il se tourne vers moi – il ne doit pas avoir plus de 15 ans. Sans doute, inexpérimenté ,il a la gâchette facile. Et c’est à ce moment  que je commence à le bénir. Car que faire d’autre dans une telle situation ? C’est vraiment ma seule arme.

C’est alors que surgit le grand chef Touareg rebelles qui se penche à travers la portière du véhicule et nous dit en français : « Vous pouvez partir ». C’est le silence total. Tout s’arrête à l’instant en nous et autour de nous. Puis lentement, sans trop y croire, l’un d’entre nous va prendre le volant du véhicule et nous sortons du campement rebelle en démarrant tout doucement, croyant qu’ils allaient peut-être nous mitrailler de derrière. Mais rien ne se passe et nous regagnons nos compagnes de mission qui nous racontent comment elles ont réussi à échapper aux tirs, alors que plusieurs baraquements proches des nôtres étaient transpercés de balles.

Et le lendemain nous reprenons le travail comme si de rien n’était. Malgré les pressantes mises en garde de l’ambassade de France, nous décidons de terminer la mission. Et nous apprenons que nous avons été libérés parce qu’un des meilleurs amis du grand chef des rebelles était le compagnon d’Annie Claire, une sage-femme membre de notre mission.

Et à mon retour, Patrick, un des amis avec qui j’avais partagé le texte sur « Le  simple art de bénir » m’a raconté qu’il s’était un soir senti poussé de façon impérative à nous bénir tous, moi et mon équipe. Et ce soir, c’était le 21 janvier 2008, le soir où nous avions été arrêtés par les Touaregs rebelles.

Dire que certains croient encore au hasard et aux « coïncidences ».
(Florence, Toulouse)