Servir habilement nécessite un cœur paisiblePour que l’intention soit empreinte de sagesse et le service habile, il faut les nourrir de périodes de calme et de prières. Chaque grande tradition contient une forme de sabbat. En Occident, nous avons hérité de la bénédiction du sabbat chrétien et juif. Pour les musulmans, le vendredi est un jour saint et, de la même manière, les hindous et les bouddhistes renouvellent leurs vœux de simplicité les jours de pleine lune, de nouvelle lune et de demi-lune. Dans ma jeunesse, le Massachusetts avait le sabbat des « Lois Bleues », demandant à toute forme d’activité de cesser le dimanche. Mais maintenant, une génération plus tard, nous avons des supermarchés ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des banques sept jours sur sept. Notre société de consommation a proclamé le droit d’opérer sans contrainte, ce qui est recette pour se brûler les ailes.

L’esprit qui se met au service des autres de de nous-mêmes peut se développer sur différentes bases : les instants de souvenir, les moments de prières et de bénédiction. Si nous prêtons attention à notre respiration et aux battements de notre cœur, il y a une pause légère et indispensable entre chacun d’eux. Pour battre pendant toute notre vie, le cœur doit se régénérer, immobile, avant chaque nouveau battement. La maturité spirituelle demande, elle aussi, de telles périodes de sabbat durant lesquelles nous sortons du temps commercial pour entrer dans l’intemporel.

Nous devons devenir le sanctuaire que nous cherchons. Cela peut commencer avec une journée de sabbat ou une période quotidienne de méditation et de prières. Parfois cela demande d’instituer des périodes régulières de silence, là ou nous travaillons. Cela peut aussi impliquer un remodelage de notre style de vie : se tourner vers une simplicité volontaire, passe du temps dans la nature, s’adonner à des retraites périodiques. Peut-être faudra-t-il éteindre CNN et allumer Mozart et, dans les périodes de difficultés ou de conflits, prendre le temps de souffler, de clarifier notre cœur et d’écouter en silence notre intention la plus profonde. Dans ces moments, nous nous souvenons du rôle de notre cœur sur terre. Un contemplatif chrétien enseignant se souvient :

J’avais vécu de nombreuses années dans une petite communauté protégée. Puis il m’apparut qu’il était temps de retourner dans la société pour la servir. Je commençai la réintégration en faisant des allers et retours. Je travaillais dans un hôpital pour les malades du sida et dans un centre d’urgences. Une fois par mois, je rentrais dans la communauté, mon cœur aspirant au silence. J’étais debout à faire la queue quand le don de nourriture fut célébré et je ressentis à quel point chaque chose ici, même la plus ordinaire, était tenue pour sacrée. C’est en fait comme cela tout le temps : le mystère de la grâce. Je savais que ce qui importait n’était pas uniquement la prière ou la méditation. C’était le silence, le fait de s’arrêter et de respirer, d’ouvrir son cœur, de vois que la plante entière et tout ce qu’elle porte est sainteté. Je veux apporter cette beauté à toutes les personnes que j’approche et je reviens donc régulièrement au silence. Je sais que si je peux m’arrêter et me souvenir de ce fait, la vie accomplira pour moi ses promesses.

 De ces instants de calme apparait clairement la manière la plus habile (éclairée) d’aimer et de servir. En nous arrêtant pour écouter, nous nous connectons les uns aux autres et la vraie communauté prend naissance.

Extrait du livre Après l’Extase, la Lessive, de Jack Kornfield